Une enquête menée dans une vingtaine de pays par Ipsos Global Advisor révèle de fortes disparités dans le paysage religieux en fonction des régions et des générations. Alors que le Sud est fortement imprégné de croyances dans le surnaturel, le Nord voit un déclin de la foi, avec cependant une forte croyance chez les musulmans issus de l’immigration.
Les résultats d’une enquête publiée le 11 mai 2023 par Ipsos Global Advisor indiquent qu’et menée via des entretiens en face à face et en ligne auprès de 19 731 personnes dans 26 pays. L’âge minimum des sondés varie selon les pays et est d’au moins 16 ans.
Alors que le Nord est de plus en plus sécularisé et désenchanté, contrairement au Sud, l’étude d’Ipsos souligne que les jeunes vivant dans plusieurs pays majoritairement de culture chrétienne sont moins susceptibles que leurs aînés de s’identifier comme chrétiens, en particulier comme catholiques, mais que ceux qui ont une religion se déclarent davantage musulmans ou d’une autre confession.
Parmi les 16 des 26 pays où il y a le plus fort pourcentage de catholiques, la proportion de membres de la génération Z (nés en 1997 et après) qui s’identifient comme catholiques est inférieure de 16 points en moyenne au nombre de baby-boomers (nés entre 1945 et 1965) qui revendiquent leur catholicité. En Belgique, au Pérou, en Pologne, en France et au Chili, on constate même un écart moyen de 20 points.
En France, 41 % des adultes se déclarent catholiques, mais ils sont 22 % de moins à se présenter comme tels dans la génération Z. En Belgique, les chiffres sont respectivement de 38 % et 29 %.
La tendance se retrouve également dans une moindre mesure 11 des 12 pays où au moins 15 % des personnes interrogées s’identifient comme protestantes, évangéliques, ou chrétiennes sans dénomination précise, exclusion faite des orthodoxes, des mormons et des témoins de Jéhovah.
Les membres de la génération Z y sont moins susceptibles que les baby-boomers de se considérer comme chrétiens, avec un écart de 11 points en moyenne. En Suède et en Australie, les écarts dépassent les 20 points avec respectivement 24 et 23 points.
Cependant, les écarts diffèrent en fonction des dénominations chrétiennes. Si 18 % des 16-74 ans se déclarent catholiques en Australie, les personnes de la génération Z dépassent les autres de 5 points. En Suède, les chiffres sont de 6 % de catholiques pour l’ensemble des plus de 16-74 ans, les jeunes de la génération Z sont 4 % de plus à se dire catholiques. En France, seuls 5 % de cette catégorie d’âge se disent protestants, évangéliques ou “simplement chrétiens”, mais ils sont 10 % chez les jeunes sondés. Dans la Belgique voisine, il y a 2 % de plus de jeunes qui se déclarent protestants, évangéliques que dans le reste de la population (5 %).
Aux États-Unis, 21 % des 18-74 ans se disent catholiques, mais il y a 13 % de moins de sondés de la génération Z qui le revendiquent. Au pays où la devise est “In God We Trust” (En Dieu nous croyons), 31 % des personnes interrogées se disent protestantes, évangéliques ou chrétiennes "autres", mais elles sont 7 % de moins chez la génération Z.
Importance de l’islam chez les jeunes en Occident
C’est parmi les musulmans que l’on retrouve le plus important écart en faveur de la croyance religieuse entre les générations. Dans les pays occidentaux où moins de 2 % des adultes se disent musulmans, il y a en moyenne 7 % de personnes de la génération Z de plus que les baby-boomers qui revendiquent l’islam comme religion, preuve de la vitalité de cette religion sur le plan démographique.
En France, 6 % des adultes se déclarent musulmans, mais ils sont 7 % de plus chez les 16-74 ans. Les chiffres sont respectivement de 4 % et 10 % en Belgique, et 6 % et 16 % au Royaume-Uni. Le bouddhisme et l’hindouisme ne progressent que très peu en Occident, mais au Canada ils sont 6 % de plus à se dire hindous parmi les jeunes que dans l’ensemble des plus de 18-74 ans (2 %), tandis qu’en Australie les chiffres sont de 3 % de plus (pour 2 % chez les 16-74 ans). Dans ce dernier pays, les sondés déclarent à 2 % être bouddhistes, mais ils sont 5 % parmi ceux de la génération Z. Les chiffres de l’hindouisme et du bouddhisme sont nettement inférieurs à ceux de l’islam dans les pays occidentaux.
Croyances dans le surnaturel et importance de la foi
Témoignage de la vitalité démographique musulmane d’une part et de la montée d’une religiosité indéfinie d’autre part, les adultes croient à 52 % au Paradis dans les 26 pays sondés (dont la Turquie, l’Inde ou le Japon), mais si l’on ne retient que les personnes de la génération Z, elles sont 19 % de plus. L’écart est supérieur à 20 % dans huit pays dont la France, la Belgique, la Suède, le Royaume-Uni ou le Japon.
Concernant la croyance dans les esprits surnaturels (fées, fantômes, anges, démons, etc.), le chiffre moyen de l’ensemble des sondés est de 49 %, mais ils sont 21 % de plus chez les jeunes, avec des écarts supérieurs à 20 % dans neuf pays dont l’Allemagne, le Japon ou la Suède.
Si 41 % de tous les sondés croient en l’existence de l’Enfer, le chiffre monte à 62 % chez les jeunes de la génération Z, avec des écarts supérieurs à 20 % dans 10 pays, dont la France et la Belgique.
Dans l’ensemble, 66 % des Américains croient au Paradis, contre 31 % des Français et 22 % des Belges. Ils sont respectivement 53 %, 25 % et 16 % à croire en l’existence de l’Enfer, et 54 %, 25 % et 18 % à croire en celle du diable.
Parmi les sondés des 26 pays, 76 % déclarent que croire en Dieu ou en une force supérieure leur permet de surmonter les crises, un chiffre identique concernant l’idée que cette foi donne un sens à la vie. 71 % croient que cela les rend plus heureux que la moyenne. 81 % des Américains, 66 % des Français et 58 % des Belges croient que la foi leur permet de dépasser les crises. Ils sont respectivement 79 %, 63 % et 59 % à croire que la foi donne un sens à leur vie.
Autres chiffres aux États-Unis et désaffectation d’églises en Europe
Un sondage publié le 20 juillet dernier par Gallup indique que la croyance en Dieu, dans le Paradis et l’Enfer continue à chuter aux États-Unis, tout en donnant d’autres chiffres que ceux d’Ipsos. Les Américains étaient 79 % à croire en Dieu en 2016, ils sont aujourd’hui 5 % de moins à le dire. La croyance dans l’existence du Paradis est passée de 71 % à 67 %. Celle dans l’existence de l’Enfer est passée de 64 % à 59 %, et celle dans l’existence du diable du 61 % à 58 %.
En Europe, le déclin de la foi chrétienne se traduit notamment par la désaffectation des églises qui sont transformées en lieux de spectacles ou en hôtels, particulièrement en Belgique. Ainsi, le bâtiment de l’église Saint-Antoine de Padoue, à Bruxelles, a été transformé pour recevoir un club d'escalade nommé Maniak Padoue.
Toujours dans la capitale belge, une église anglicane a été transformée en une discothèque baptisée Spirito dont l’emblème représente un prêtre embrassant une religieuse.
Jean Sarpédon